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Quelques mots sur l’or

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Le cours de l’or est déterminé par l’interaction entre l’offre et la demande pour le métal. Il est donc intéressant de brièvement revenir sur les sources de demande et d’offre, qui sont :

Du côté de la demande :

  • La demande industrielle : le métal jaune est utilisé dans l’électronique, l’aéronautique, la médecine, etc … L’or est très conducteur et résistant à la corrosion, ce qui le rend notamment précieux pour certaines applications industrielles.
  • La demande financière (ou d’investissement) : l’or est ici recherché à des fins de diversification, pour ses qualités de valeur refuge et sa corrélation (souvent) négative avec d’autres classes d’actifs. Il s’agit généralement d’achats d’or-papier (instruments financiers liés à l’or, en premier lieu les ETF). A ces achats peuvent toutefois s’ajouter des achats de lingots ou pièces par des privés dans des périodes marquées par de grandes incertitudes, financières ou géopolitiques.
  • La demande des banques centrales : leurs achats sont en règle générale motivés par la volonté de diversifier leurs réserves de change.
  • La bijouterie : les pays comme l’Inde et la Chine sont ici les principaux consommateurs pour des raisons culturelles et traditionnelles.

La demande industrielle est la moins importante (généralement entre 5 % et 10 %) et varie généralement assez peu dans le temps. Après avoir fortement baissé lors de la pandémie, la demande provenant de la bijouterie a remonté mais reste assez largement en-dessous des niveaux prépandémie. Elle est évidemment assez sensible au prix.

Du côté de l’offre :

  • L’exploitation minière : il s’agit de la source d’offre principale. Les contraintes ESG et la décision de privilégier le retour de capital à leurs actionnaires ont fait que les entreprises aurifères ont peu investi en exploration au cours des dernières années et il n’y a pas eu de découvertes importantes de nouveaux gisements depuis un certain temps. L’offre d’or provenant de l’exploitation minière ne pourra dès lors pas beaucoup monter dans les années à venir.
  • Le recyclage : de bijoux, déchets électroniques, dentisterie. D’autant plus intéressant que le cours de l’or est élevé.
  • Les ventes des banques centrales.
  • Les ventes de la part des investisseurs.

Dans la mesure où l’or est indestructible, il convient de garder en tête que la demande d’aujourd’hui constitue l’offre potentielle de demain. En temps normal, le cours de l’or est essentiellement déterminé par la demande d’investissement et par les actions des banques centrales.

Evolution du cours de l’or

Depuis le début de ce siècle, l’or a offert un rendement annualisé d’environ 10 % en euro et en dollar. L’évolution de son cours peut en l’occurrence être divisée en 3 périodes :

  • 12 années consécutives de hausse entre 2001 et 2012.
  • Une baisse de quelque 40 % entre fin 2012 et fin 2015.
  • Un triplement du cours depuis lors.

Evolution du cours de l’or

Source : Macrobond/Bloomberg

Plus récemment, après un léger recul en 2021/2022, le métal jaune a entamé une progression impressionnante, avec une hausse de 13% en 2023, 27 % en 2024 et 19 % sur le premier trimestre de l’année en cours. La hausse du cours de l’or en 2023 et 2024 peut surprendre dans la mesure où elle s’est faite dans un contexte de dollar ferme et de remontée des taux réels. Par le passé, le cours de l’or était généralement négativement corrélé au billet vert et, surtout, aux taux réels, ce qui est logique étant donné que le métal jaune ne paie pas d’intérêts. En réalité, la remontée des taux réels a toutefois bel et bien eu l’impact attendu sur la demande financière, avec des sorties massives de capitaux enregistrées par les ETC (fonds aurifères négociés en bourse) sur l’or entre avril 2022 et juin 2024. En temps normal, ces sorties auraient entraîné une forte chute du cours du métal. Elles ont cependant été plus que compensées par les achats des banques centrales, plus particulièrement des banques centrales orientales. Les achats de ces dernières ont fortement augmenté depuis 2022. La décision des gouvernements occidentaux de bloquer les réserves de change de la Russie a à cet égard été un détonateur. Elle a renforcé la volonté de bon nombre de pays de réduire leur dépendance au dollar et aux emprunts d’Etat américains et de détenir une part croissante de leurs réserves de change dans un actif neutre, sans risque de contrepartie. Les achats officiels de ces pays pourraient également être motivés par une éventuelle réintroduction de l’or dans l’architecture monétaire mondiale, sous l’impulsion de la Chine qui vise à établir une alternative au système financier inspiré par Bretton Woods, et basé sur le dollar. L’or se déplace ainsi de plus en plus vers l’Est. L’histoire montre d’ailleurs que le métal jaune a toujours eu tendance à se déplacer vers les pays où le stock de capital et l’épargne se développent.

Si la hausse des dernières années est donc davantage liée à des considérations géopolitiques que financières, la demande d’investissement est bien revenue à partir du milieu de l’année passée ainsi qu’en témoignent les entrées de capitaux enregistrées par les ETC depuis lors. Ce retour de la demande financière s’explique par le relâchement de la politique monétaire des banques centrales américaines et européennes. Enfin, en 2025 sont venues s’ajouter les incertitudes liées aux tarifs douaniers et à la politique commerciale des Etats-Unis, et les attaques de Donald Trump contre la Réserve fédérale et son président, attaques interprétées comme une volonté de mettre fin à l’indépendance de la Banque centrale américaine.

Et maintenant ?

La hausse de l’or depuis le début de l’année a été spectaculaire. Sur base de beaucoup d’indicateurs, l’or est aujourd’hui suracheté et une correction est évidemment possible et pourrait même être considérée comme saine. Une telle correction pourrait être déclenchée par un ralentissement ou un arrêt temporaire des achats des banques centrales, par une accalmie au niveau des tensions géopolitiques ou commerciales, ou tout simplement par des prises de bénéfice. Les achats des banques centrales sont généralement peu sensibles au cours, mais la rapidité avec laquelle ce cours a récemment monté pourrait néanmoins les inciter à ralentir ou à temporairement arrêter leurs achats. Par le passé, la demande d’or a par ailleurs souvent montré des effets saisonniers, avec un ralentissement à partir de mai et une reprise notable en automne. Une éventuelle correction du cours de l’or constituerait une opportunité d’achat. Les perspectives à long terme du métal jaune restent favorables pour les raisons que nous avons à maintes reprises développées dans notre publication Perspectives au cours des dernières années :

  • Tout d’abord, pour les raisons exposées supra, l’offre d’or ne pourra pas beaucoup monter dans les années à venir. En même temps, l’offre de monnaies-papier ne fera que croître.
  • Les développements géopolitiques, marqués par la fragmentation de l’économie mondiale en deux, voire plusieurs blocs et la perte de confiance dans le dollar, de plus en plus considéré comme une arme géopolitique utilisé par les Etats-Unis, continueront à plaider en faveur de l’or. Les achats des banques centrales orientales font partie d’une stratégie pour recycler leurs excédents commerciaux par des canaux autres que les emprunts d’Etats américains qui ont perdu leur éclat en tant qu’actifs sûrs et neutres.
  • Comme indiqué supra, la demande financière est revenue dans la seconde moitié de 2024. Cette demande pourrait s’avérer d’autant plus importante qu’une éventuelle nouvelle hausse de l’inflation mettrait les banques centrales dans la situation désagréable de devoir choisir entre combattre l’inflation ou limiter le coût du service de la dette (paiements d’intérêts sur la dette existante). L’or constituant une protection contre l’inflation dans la sphère monétaire plutôt que dans l’économie réelle, tout retour des banques centrales vers des politiques monétaires beaucoup moins restrictives, voire vers un nouvel assouplissement quantitatif serait de nature à stimuler le cours du métal jaune. L’histoire a montré que les périodes d’endettement publics particulièrement élevés s’accompagnent toujours de taux réels (taux d’intérêt ajustés pour l’inflation) négatifs. Le recours à l’inflation permet de diminuer le coût réel de l’endettement, à condition de faire en sorte qu’une inflation plus élevée n’entraîne pas une remontée équivalente des taux d’intérêt.
  • Parmi les fonctions généralement attribuées à une monnaie - unité de compte, moyen de paiement, et réserve de valeur -, l’or remplit essentiellement celle de réserve de valeur. A titre d’exemple, depuis le début de ce siècle, le taux d’inflation aux Etats-Unis s’est établi en moyenne à 2,6 % par an (sur base de l’indice des prix à la consommation. De nombreux observateurs estiment que cet indice sous-estime fortement la véritable augmentation du coût de la vie). Il en résulte que le dollar a perdu quelque 50 % de son pouvoir d’achat depuis 2000. Sur la même période, le métal jaune s’est apprécié de 10 % par an contre le dollar. Autrement dit, le billet vert, tout comme l’euro, a perdu 90 % de sa valeur contre l’or. Ce dernier a par contre non seulement protégé, mais augmenté le pouvoir d’achat de l’investisseur.
  • Il y a eu des périodes plus ou moins longues où cette qualité de réserve de valeur de l’or n’a pas été recherchée, et où le métal jaune a été considéré comme une relique du passé. Il s’agit généralement de périodes pendant lesquelles les autorités monétaires se soucient de maintenir le pouvoir d’achat de leur monnaie et où les autorités fiscales font preuve de rigueur budgétaire. Durant de telles périodes, la fameuse remarque de Warren Buffett sur l’or est clairement valide : « Gold gets dug out of the ground in Africa, or someplace. Then we melt it down, dig another hole, bury it again, and pay people to stand around guarding it. It has no utility. Anyone watching from Mars would be scratching their head. » Entre 1980 et 2000, le cours de l’or s’est ainsi déprécié de plus de 50 % par rapport au dollar. A l’origine de cette baisse fut la décision de la Réserve fédérale sous Paul Volcker de procéder à un resserrement monétaire sans précédent pour combattre l’inflation. A noter que cette période fut également marquée par des déficits budgétaire limités dans les principaux pays industrialisés, les Etats-Unis enregistrant même un surplus budgétaire sous la présidence de Bill Clinton, et par le rôle important joué par la Bundesbank en Europe. Les temps ont clairement changé. En 2024, la Réserve fédérale et la Banque centrale européenne ont ainsi relâché leur politique monétaire, alors que le taux d’inflation est resté supérieur à l’objectif qu’elles se sont elles-mêmes fixé. L’objectif de la stabilité des prix ne semble clairement plus prioritaire.

Pour conclure, les conditions pour une poursuite du mouvement haussier sur l’or semblent réunies. On entend souvent la remarque qu’après la forte hausse des dernières années, le cours de l’or est trop élevé et qu’il est trop tard pour acheter. Dans le cas de l’or, ce genre de considération n’a toutefois aucun sens. Trop élevé par rapport à quoi ? Il est vrai que le cours du métal jaune est à un plus-haut historique, mais si on compare son évolution depuis 1980 par rapport à celle de variables économiques ou financières telles que les PIB des pays industrialisés, les masses monétaires, l’endettement public, les prix des maisons, les marchés boursiers, l’or reste largement à la traîne. En termes réels, la progression de l’or est par ailleurs nettement moins spectaculaire : ajusté pour l’inflation, les 850 USD que l’or avait atteints en janvier 1980 durant une période d’inflation et de tensions géopolitiques élevées correspondrait à environ 3.000 USD aujourd’hui, niveau que le métal jaune n’a que récemment atteint.

Un investissement dans l’or devra toujours être vu comme une assurance et non pas comme un placement à court terme. Dans le contexte actuel, une autre citation de Warren Buffett semble à cet égard très pertinente : « Gold is a way of going long on fear, and it has a pretty good track record in that respect. But you really have to hope people become more afraid in a year or two than they are now. And if they become more afraid you make money, if they become less afraid you lose money, but the gold itself does not produce anything.”

Les entreprises aurifères

Dans la mesure où elles amplifient souvent les mouvements de l’or, les entreprises aurifères offrent un effet de levier pour les investisseurs confiants dans les perspectives à moyen et long terme du métal jaune. Il reste néanmoins que dans l’ensemble, ces entreprises n’ont que faiblement participé à la hausse des dernières années. L’indice des mines d’or se trouve ainsi quelque 25 % en-dessous de son niveau de septembre 2011, alors que le cours de l’or se situe entretemps plus de 70 % au-dessus de son cours de l’époque. La capitalisation d’Apple à elle seule représente plus de trois fois la capitalisation boursière totale du secteur.  

Evolution de l’or et de l’indice des entreprises aurifères

Source : Macrobond/Bloomberg

Plusieurs éléments sont à prendre en compte avant d’envisager un investissement :

  • Le secteur se caractérise par une volatilité importante. De plus, il existe des périodes où les entreprises aurifères sont davantage corrélées au marché boursier qu’à l’or.
  • Le modèle d’entreprise des producteurs aurifères repose sur des ressources finies : une fois l’or extrait et fondu, il n’est plus là et il faut en trouver du nouveau.
  • L’effet positif d’une hausse du cours de l’or sur les marges bénéficiaires des entreprises aurifères peut être contrebalancé par une hausse de leurs coûts d’exploitation, à commencer par une hausse du coût de l’énergie.
  • Par le passé, les entreprises aurifères n’ont pas toujours fait preuve d’une bonne discipline en matière d’allocation du capital. Elles avaient tendance à agir de manière procyclique en augmentant leurs dépenses d’exploration ou en entreprenant des acquisitions à des prix élevés lorsque le cours de l’or était élevé. Lorsque ce dernier diminuait par la suite, elles avaient énormément de mal à rentabiliser ces dépenses et acquisitions.
  • Dans le cycle actuel, les entreprises aurifères ont toutefois jusqu’à présent dans l’ensemble fait preuve d’une grande discipline. Malgré la hausse du cours de l’or, elles sont restées réticentes à augmenter leurs dépenses d’investissement, préférant rembourser leurs dettes, augmenter leur dividende, ou racheter leurs titres. Le secteur offre dès lors aujourd’hui une combinaison rarement vue de bilans solides, génération de cash-flow importante, discipline en matière d’allocation de capital et valorisation attrayante.

Une grande sélectivité est de rigueur dans le secteur des entreprises aurifères. Les sociétés de redevances (royalty companies) offrent un modèle d’entreprise nettement supérieur à celui des producteurs classiques. En simplifiant quelque peu, ce modèle consiste à obtenir un pourcentage de l’or ou des revenus issus d’une opération minière en échange d’un financement initial. Les sociétés de redevance présentent ainsi l’avantage de ne pas être exposées aux risques opérationnels associés aux producteurs classiques et ne sont notamment pas affectées par une éventuelle hausse des coûts d’exploration de ces derniers. Il en résulte qu’elles génèrent un rendement sur capitaux employés nettement plus élevé. Elles offrent également une diversification plus importante, étant donné qu’elles détiennent des redevances sur un nombre important de projets, ce qui réduit leur exposition au risque géopolitique.

Un deuxième segment intéressant est constitué par les producteurs de taille moyenne ayant leurs réserves dans des pays géopolitiquement stables. Ces producteurs pourraient devenir une cible intéressante pour les grands producteurs souvent en mal de croissance.


Ce document a été rédigé par BLI - Banque de Luxembourg Investments (“BLI”), avec la plus grande attention et le plus grand soin. Les visions et opinions formulées dans cette publication sont celles de leurs auteurs et ne doivent en aucun cas lier BLI. Les informations économiques et financières incluses dans cette publication sont communiquées à des fins d’information uniquement sur la base des informations connues à la date de publication. Ces informations ne constituent pas un conseil d’investissement, une recommandation ou incitation à investir, ni ne doivent être interprétées comme des conseils légaux ou fiscaux. Chaque information doit être utilisée avec la plus grande précaution. BLI ne donne aucune garantie quant à l’exactitude, la fiabilité, la récence ou l’exhaustivité de ces informations. La responsabilité de BLI ne pourra pas être invoquée du fait de la fourniture de ces informations ou en tant que résultante d’une décision prise par une personne, que celle-ci soit cliente de BLI ou non, basée sur ces informations, cette personne restant seule responsable de ses propres décisions. Les personnes intéressées doivent s’assurer qu’elles comprennent les risques inhérents à leurs décisions d’investissement et doivent s’abstenir d’investir tant qu’elles n’ont pas soigneusement évalué, en collaboration avec leurs propres conseillers professionnels, l’adéquation de leurs investissements à leur situation financière spécifique, en particulier concernant les aspects légaux, fiscaux et comptables. Il est également rappelé que les performances passées d’un instrument financier ne préjugent en rien des performances futures.

Guy Wagner, Chief Investment Officer 

D’origine d’une famille d’entrepreneurs au Luxembourg et licencié en Sciences Économiques de l'Université Libre de Bruxelles, Guy a rejoint la Banque de Luxembourg en 1986, où il fut successivement responsable des départements Analyse Financière et Asset Management. Il devient ensuite Administrateur-Directeur de BLI - Banque de Luxembourg Investments, société de gestion nouvellement créée en 2005.

Depuis juillet 2022, il se consacre exclusivement à son rôle de Chief Investment Officer, à la gestion des portefeuilles et à la direction de l’équipe en charge de la gestion des différents fonds.

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